Souvenirs retrouvés de Kiki de Montparnasse
C'est son dernier amour André Laroque qui lui dactylographie ses souvenirs. C'est le second livre de Kiki, le premier alors qu'elle a 28 ans est interdit par la censure américaine qui le saisit. Neuf ans plus tard, elle en écrit un second qui ne sera pas édité, la guerre l'en empêchant. Il dormira dans des cartons plus d'un demi-siècle et ne sera édité qu'en 2005 par José Corti.
C'était une reine, Kiki, une de Montparnasse. Une de la trempe de Misia, mais version populaire, sans le pouvoir que donne l'argent. Née en 1901 en Bourgogne, non reconnue par son père, elle connut une enfance miséreuse, eut une éducation restreinte, et travailla à l'âge de 13 ans. Pour échapper aux petits métiers difficiles, Alice Prin, dite Kiki, posa des nus pour des peintres qui en échange la nourrissaient. Un soir d'hiver elle rencontra Soutine qui l'herberga pour la nuit, elle fréquenta La Rotonde, y cotoya Utrillo, Modigliani, Kisling, elle s'amusait déjà à esquisser quelques dessins, qu'elle échangeait contre 10 sous.
Elle posa pour Kisling (1891-1953), pour Foujita, Man Ray, elle eut beaucoup d'amants, c' était une amoureuse, Alice, l'argent n'était pas son moteur, elle fréquenta les surréalistes Desnos, Aragon, Prévert et d'autres avec lesquels elle se mit en froid, elle, la gouailleuse n'ayant pas la langue dans sa poche, et venue du ruisseau. Elle chanta dans des cabarets, l'Océanie, le Boeuf sur le toit où passèrent au piano Wiener, Doucet, Aiwaz, où se produisirent les chanteuses Marianne Oswald, Yvonne Gorges, Frehel et Kiki.
Elle exposa ses petites peintures
chez Bernheim, chanta au concert Mayol, enterra son amant, sa mère. A 33 ans et 80 kgs, elle posait encore pour Per Krogh ( peintre norvégien 1889 1965) , et puis elle s'adonna un temps aux stupéfiants, enfin, elle ouvrit son propre cabaret. Elle mourut en 1953.
Bien sûr, elle n'a pas la fibre écrivain, Alice, les mots ne la font pas vibrer, l'écriture est sobre, simple, mais peu importe, ces mots là écrits par elle, perdus, retrouvés et enfin édités sont sans doute ce qu'elle désirait laisser à la postérité, une version minimale de sa vie tumultueuse, folle et libertine, pour couper court à tout commérage superflu. Rien de très intime, rien de très croustillant, Alice dite Kiki de Montparnasse est morte avec ses secrets, elle demeure à jamais l'une des muses préférées de Man Ray. Le Violon d'Ingres, c'est elle. Pas mal comme souvenir Alice, pas mal !