La Fraga - Danielle Sallenave
Toujours sur les traces de Dame Sallenave, dont j'aime la voix professorale et sage sur les ondes qui donne là un livre romanesque avec une envolée féministe assez marquée. Son héroïne Mary Gordon suivra une destinée, rare en fin XIX siècle pour une américaine, pauvre perceptrice exilée à Venise pourvue d'une acquise candeur puritaine; sa sensualité provoquera en elle une joie honteuse, sensualité très ouverte pour l'époque puisque homme ou femme la provoqueront tout au long du roman, elle y cédera à de rares moments mais préférera la maîtriser au profit de sa véritable passion le dessin, la peinture. Même l'amour maternel ne l'occupera pas toute entière. Elle aimera son fils qu'elle surnommera 'le petit compagnon' sans pouvoir l'aimer inconditionnellement, elle aimera son fils car il correspond à des critères qu'elle apprécie, elle l'aimera donc en conséquence sans avoir d'amour maternel animal, passionné. De ces amours là, Mary en est incapable. Elle n'a rien d'animal cette femme là, elle ne s'attache pas vraiment aux êtres, elle les aime sans avoir besoin d'eux, ce qui convenons-en est pratique et évite toute souffrance débordante. Elle survivra d'ailleurs à la mort de cet enfant, jeune homme, en continuant à peindre plus que jamais, enfin seule.
Est ce une image de la Passion créatrice en tous genres que Danielle Sallenave souhaite nous transmettre ? ceux qui sont doués pour un ART quel qu'il soit sont-ils les proies de leur passion exclusive qui exige une indépendance farouchement conservée au détriment de leur vie sentimentale, familiale et sociale ? Pas sûre de l'intention de l'auteure, en tous cas, c'est ce que moi, j'y ai trouvé !
Au final, donc roman agréable à découvrir avec petit plaisir garanti.
Également commencé un autre roman de Danièle Sallenave ' Les trois minutes du diable' dont j'ai abandonné la lecture, n'y trouvant aucun plaisir, ni aucune raison de m'y accrocher.
Sur la jaquette du livre, Portrait de Rachel par Théodore Chassériau 1819-1856.