Bien que je le connaissais fort peu, j'ai été fortement attirée par ce peintre tchèque qui a vécu en France de 1896 à sa mort. Un réel talent aussi bien dans le dessin
que dans les couleurs
un certain mystère chez cet homme qui me permet de mener une enquête sur sa vie, ses goûts, ses dégoûts. Je ne dissocie jamais l'homme du peintre, et ce que l'homme tait, le peintre le dévoile un peu. Né en Tchécoslovaquie en 1871, il suit de fort loin ses études et travaille adolescent comme apprenti sellier. On le dit déjà doué pour le dessin, à 16 ans il est broyeur de couleurs dans un atelier de peinture, il suit l'académie des Beaux Arts de Prague puis celle de Vienne, il est médium à ses heures, autodidacte, il se passionne pour la littérature, la philosophie et les Sciences
A cette époque il concourt pour l'inévitable prix de Rome qu'il rate mais il commence ainsi à se faire connaître. En 1894, il rencontre une blonde danoise Maria Bruhn qui le suivra à Paris et qui styliste dans des magasins lui apportera du travail de dessin. En 1896 ils habitent Boulevard Rochechouard
il fréquente les cabarets et leurs artistes il rencontre Aristide Bruant qui le logera un temps d'ailleurs. Marie meurt en 1898, une nouvelle compagne Gabrielle apparaît. Il représente en 1901 ses deux premiers amours dans un tableau qu'il nomme La Ballade puis les Joies pour prendre en 1946 le nom d'Epona-Ballade. Les joies
Plusieurs interprétations de ce tableau, Hymne au soleil, référence à Epona déesse protectrice des chevaux, utilisation du symbole du désir que peut représenter le cheval, en tous cas, un humour assez décapant je trouve pour cette toile au dessin caricatural. Nous sommes en 1902, il travaille dans le journal satirique L'assiette au beurre. Ses illustrations nombreuses lui permettent de bien gagner sa vie. Il rencontre Jacques Villon, frère de Marcel Duchamps.
Assez renfermé et silencieux il est en proie parfois à une profonde inquiétude métaphysique
il est très soucieux de sa santé physique, plus tard, il aimera faire sa gymnastique nu dans son jardin savourant les impressions sensorielles que lui procure la nature, il se dit lui même' le corps pénétré de lumières et de parfums. Il aime la musique classique qu'il écoutera toujours quand il peindra.
La peinture de Kupka sera toujours empreinte d'une sensualité certaine même dans son abstraction où la géométrie sera dansante, les formes rondes et pleines s'entremêleront, où le mouvement se fera voluptueux
mais j'anticipe. En 1904, il rencontre sa future épouse Eugénie Straub
qui a une fille Andrée qu'il peindra aussi
En 1906, il s'installe à Puteaux et a pour voisin encore Jacques Villon. Toujours en recherche d'experiences, il peint comme un musicien compose, il calcule, mesure, géométrise, verticalise, produit plusieurs études de ses tableaux, il étudie le mouvement, musicalise sa peinture, parallèlement il analyse les couleurs pures avec sa série Disques à la manière d'un Delaunay.
Dans ses abstractions, il y aura toujours de l'émotion, rares sont ses toiles qui restent muettes. Il sera ami avec les 3 frères Villon, Alfons Mucha, il fréquenta de très loin Delaunay, rencontrera le peintre Théo van Doesburg il sera pianiste modérément à ses heures. Et puis chez ce sensuel introverti, des pauses notamment dans ses plans verticaux, il se promène alors dans les bois où il voit mieux la sérénité des verticales
recherche de la lumière, besoin de simplicité qui mènent à la lumière contrastée des cathédrales gothiques apaisantes
une dualité récurrente chez Kupka qui semble osciller en permanence entre une coexistence de la figuration et de l'abstraction et une abstraction totale que l'on retrouve dans ses peintures après un passage dans une série que l'on peut qualifier de machinisme de 1925 à 1935 à la manière d'un Léger ou des constructivistes russes. Il se dit alors inspiré par les machines et le jazz
sans oublier la peinture conventionnelle de ses débuts (selon sa propre expression) mais malicieuse.
il peut tout faire Kupka. Longtemps solitaire il collaborera à la naissance du groupe Abstraction Création.
En 1914 il s'engage dans la légion, en 1915 il est évacué pour raisons de santé. il est nommé président de la colonie tchèque de Paris, il devient en 1922 professeur à Paris chargé des étudiants boursiers tchèques, il n'oublie jamais son origine. En 1930 il détruit lors d'une période de dépression certaines de ses oeuvres, durant la seconde guerre mondiale, il se réfugie à Beaugency dans la maison paternelle de son épouse. Il meurt en 1957. L'un de ses derniers tableaux où couleur chaude et couleur froide se rencontrent, le dernier trait vertical bleu solitaire, équilibre et harmonie sereine d'une vie accomplie qui s'achève.