Nelly Arcan née Isabelle Fortier 1975-2009
Récit autobiographique sur les années de prostitution d'une jeune femme
Ce roman ne se raconte pas, il n'y a pas d'histoire juste des réflexions qui amènent à d'autres réflexions personnelles donc discutables :
Pas stupide cette Nelly Arcan qui a fait un mémoire de maîtrise en littérature sur les rapports de la littérature et de la folie avec les mémoires d'un névropathe (qui a écrit son histoire lors de son internement) mais particulière et fragile, elle fut sans doute marquée par son éducation religieuse, celle donnée par son père dévot obtus attendant la fin du monde, celle donnée par l'école religieuse où elle fit connaissance d'une communauté de femmes au nom d'emprunt, vouées à une vie de sacrifice, que l'on nomme soeurs ou mères, autre confusion des mots et des rôles. Ces religieuses ne cherchaient elles pas à se dégager de leur famille, de l'acte sexuel qui les fit naître ? se demande t'elle. Et oui, tout le monde n'a pas la chance de Jésus : être né d'une immaculée conception. L'acte sexuel d'où tout commence. Eve première femme qui fut séduite, qui porte tous les péchés du monde, séduisante déjà, femelle qui ne pensait qu'à séduire ... Pour Nelly-Isabelle, il n'y a pas d'alternative : la femme est réduite à un sexe, dominée par l'homme, réduite à n'être qu'un corps, jeune, beau, désirable, réduite à n'être qu'une bouche recevant des queues, une fente recevant du sperme et rien d'autre. La religion étant le monde de son père, elle refusa aussi le monde de sa mère, épouse vouée qu'à un seul homme devenue une larve plus désirée qui ne devint même pas mère, ni femme ni mère comme si chez une femme tout pouvait être dissocié !! archaique idée de la féminité ! ne lui resta à cette jeune femme que le monde de la prostitution : sorte de communauté où l'on a un nom d'emprunt, où l'acte de chair reproduit xfois, rénuméré devient alors sacrifice. Nelly s'est ainsi sacrifiée jusqu'à perdre son âme, mais les femmes ont elles une âme dans le monde de Nelly-Isabelle ?
De cette prostitution, elle en tira de l'argent bien sûr qu'elle utilisa pour devenir encore plus belle, elle n'arrive décidément pas à sortir de ce shéma . Elle en tira aussi, dit elle, de la jouissance physique, mais en même temps, donnée par des hommes de l'âge du père, qu'elle méprise profondément ???? Elle en tira aussi un certaine satisfaction de ne pas devenir comme sa mère, la larve qui comate dans son lit.
Mais enfermée dans ses idées, elle n'eut pas le temps d'aller vers une porte de sortie. Et pourtant, elle en avait du talent, elle aurait pu s'exalter dans l'écriture, dans des causes humanitaires, sortir de ce nombrilisme dévastateur, réducteur et suicidaire.
Elle condamne les hommes qui payent pour jouir et trouvent que cela mérite reflexion. Ces hommes qui fréquentent des prostituées ne bandent pas pour la prostituée mais pour la putasserie idéalisée : ce pourrait être aussi une poupée .. la pute n'existe pas en tant qu'être humain, mais en tant qu'idéal oui, idéal d'une féminine beauté éternelle réduite à une fente. Les hommes ne souhaitent faire l'amour qu'à de jeunes femmes belles et soumises. L'amour a disparu dans son monde.
Cette jeune femme, belle, qui désire plaire à tout prix, pour ne pas vieillir comme sa mère est condamnée à mourir jeune. Elle est atypique, hors normes : se détester à ce point, et continuer à s'avilir, car elle estime s'avilir profondément, dépasse l'entendement. Pourquoi continuer ? l'argent facile qui sert à rester belle ? pour qui, pourquoi ?
Le gros problème de cette jeune femme était qu'elle considérait la femme uniquement comme un corps désirable devant le rester à tout prix. Une fente, une bouche, une tirelire en somme à 2 orifices !!! réducteur, et surtout erroné. Elle semblait penser que tous les hommes le souhaitent aussi. La beauté est rare, le savait elle ? C'est curieux ce culte de la beauté à tout prix. Beauté rarement naturelle d'ailleurs, la chirurgie esthétique remplit les poches des chirurgiens, c'est un gouffre qui emmène ceux et celles qui s'y plongent. C'est souvent réservé à une clientèle fortunée et nombriliste.
Les jeunes femmes que je connais, que j'ai connues sont belles, assez belles, moins belles, normales quoi. Elles ont des mères belles, assez belles, moins belles qui acceptent leurs rides, souhaitent certes retarder la décrépitude, ce qui me semble très sain mais acceptent avec sagesse le vieillissement : on peut vieillir en restant belle, certes cette beauté n'est pas celle des magazines, mais cette beauté n'existe que là. Beaucoup de femmes ne s'y laissent pas prendre. Er les hommes vieillissants continuent à aimer les femmes vieillissantes, bien sûr quelques un(e)s s'intéressent à des plus jeunes et alors ? si chacun y trouve son compte.
Je ne sais pas trop ce qu'a voulu prouver Nelly Arcan, mais a t'elle voulu prouver autre chose que son profond désarroi, son inaptitude à vivre ? je n'en suis pas si sûre. Elle a certes manqué de référence maternelle, mais elle est loin d'être la seule. Elle a joué une partie qu'elle ne pouvait que perdre, et elle le savait très bien, mais là sans doute était son destin.