Pas aisé de voyager quand on est un tableau, fragile, qui mesure 7 mètres de largeur, pour une hauteur de 4m91, alors on ne voyage pas ! Le Radeau de la Méduse est donc resté au Louvre, seules les études préparatoires nombreuses ont fait le voyage, de Lille, de Paris, d'Angers, de Montauban , de Montpellier....
Pourquoi Géricault à Clermont ? Fin 1860, le duc de Morny donne à la ville de Clermont une étude de tête de Géricault pour le tableau de la méduse. Ce tableau connaîtra l'oubli jusqu'à même faire douter de son authenticité. Je passe les batailles d'experts .... Restauré, à nouveau attribué à Géricault, cette tête d'étude sert de prétexte à nous faire découvrir la démarche d'un peintre qui décida d'immortaliser un drame maritime scandaleux.
Géricault a longtemps travaillé à son tableau par une production de croquis, esquisses, tableaux réalistes de membres amputés provenant des cadavres de l'hôpital,
il a utilisé comme modèles, outre les cadavres, des rescapés du nauffrage comme Corréard et Savigny, des amis malades, des rapins et enfin des modèles professionnels . Son tableau final sera plus idéalisé, plus classique, mais les couleurs cadavériques, les expressions de
souffrance le distinguent d'un tableau néoclassique.
Le drame maritime : En 1816, Louis XVIII est roi, les ultra-royalistes s'imposent et s'opposent aux libéraux. Le 17 juin 1816, La Méduse embarque pour le Sénégal avec 396 personnes parmi lesquels, Savigny chirurgien, Corréard ingénieur géographe, 2 compagnies du bataillon d'Afrique où se mêlent Hommes de toutes les couleurs, cette frégate est sous les ordres d' Hugues Duroy de Chaumareys, ancien émigré officier de la vieille marine royale qui n'a pas vu un bateau depuis 25 ans. La Méduse est accompagnée de 3 autres bateaux L'Echo, l'Argus et la Loire.
A la suite d'une erreur de navigation, La Méduse s'échoue sur du sable sur le littoral mauritanien, précisément sur le banc d'Arguin le 2 juillet. Le 3 juillet pour suppléer au nombre insuffisant de canots, un grand radeau est construit, la Méduse le remorquera. Ordre est donné de couper les amarres et le radeau sur lequel 147 passagers se sont installés est laissé à la dérive. Dans la nuit du 6 au 7 Juillet, imbibés d'alcool, les nauffragés se battent, soldats contre notables dont
Corréard et Savigny font partie. 45 passagers sont tués. Quelques naufragés affamés consomment des lanières de peau séchées des trépassés. Dans la nuit du 8 au 9 une nouvelle tuerie élimine une bonne soixantaine des sinistrés. Le cannibalisme se généralise et le 13 juillet, les valides jettent à la mer les blessés : la cantinière Marie Zaide seule femme à bord du radeau en fait partie. Le 17 juillet, l'Argus sauve les 15 survivants, 5 mourront peu après. Savigny fait un rapport du naufrage. Chaumareys est mis aux arrêts en Octobre, il sera condamné à 3 ans de prison. Savigny et Correard publient un récit qui fera sensation en Novembre 1817.
Géricault le lit, rencontre les 2 rescapés. En 1818 il louera un atelier près de l'hôpital Beaujon, et commencera à faire plusieurs études, il reconstituera une maquette du tableau. Fin août 1819, il expose son tableau au Salon, sous le nom de 'Scène de naufrage'.
Théodore Géricault est né en 1791. Père avocat. En1808, il hérite de sa mère. Il fréquente en secret l'atelier de Carle Vernet 1758-1836, peintre d'histoire et de chevaux durant 2 ans, puis celui de Pierre Guérin 1774-1833 autre peintre d'histoire néo classique, il rencontre dans son atelier Eugène Delacroix en 1815-16. En 1812, il hérite de sa grand mère ce qui lui assure son indépendance financière. De caractère ombrageux, il se fait exclure des Beaux Arts. 1814 c 'est sa période équestre, engagé dans la garde nationale à cheval de Paris, il peint en même temps plusieurs équidés. Puis balade à Florence, Rome, Naples. En 1817, il s'intéresse au naufrage de la Méduse.
Fin août 1819, exposition du tableau au salon. Côté politique, Géricault est tendance ultra-libérale, son tableau est une sorte de manifeste politique et social. Il est plus qu'un peintre d'histoire, il prend position pour les exclus, les indigents. Après le Radeau, il envisageait une composition représentant la traite des noirs, mais l'état de santé de Géricault va se dégrader progressivement à partir de la fin de 1819, dépressif, atteint d'une tuberculose osseuse, chutes de cheval qui entraineront des opérations mal supportées, Théodore Géricault connaîtra une fin de vie longue et source de souffrances. Il meurt à 32 ans en Janvier 1824.