Frida Kahlo
Tu sais, ma belle cela fait un peu plus de 2 ans que j'attends de voir tes toiles, en même temps il y a 2 ans j'étais occupée ailleurs avec mes mourantes ... alors au final c'est bien tombé ce retard. J'ai eu le temps de t'apprendre un peu.
L'Orangerie, c'est un joli nom pour te recevoir, c'est cependant bien occupé déjà avec Monet et la collection de Paul Guillaume, alors forcément dans cet endroit trop exigu pour toi, tu es un peu à l'étroit, d'autant plus que ton Diego prend, aussi, beaucoup de place. Bon en même temps, tes toiles ne sont pas si grandes, mais j'aurais aimé en trouver un peu plus. Parlons en donc un peu de ce Diego, il fut l'un des hommes de ta vie, il y en eut d'autres qui comptèrent mais le talent de peintre, la présence rassurante et confortable de Diego Rivera, son engagement politique en firent ton préféré, celui qui s'occupa de toi jusqu'au bout, celui qui ferma tes beaux yeux. Tu étais belle Frida et multiple, tu cultivas toujours une ambiguïté avec ton image
ton double était un beau jeune homme te ressemblant comme le frère que tu n'eus pas, ton double était aussi une Frida narcissique en bonne santé qui devait le montrer au monde épaté ! Tes tableaux Frida sont parfois des planches anatomiques surréalistes, une sorte d'éducation sexuelle cauchemardesque pour adolescents curieux ou amateurs de petites horreurs :
un réel exutoire pour toi, la peinture, toi qui vécus toujours avec l'intolérable souffrance : La polyomélite à 6 ans qui te laisse infirme de ta jambe gauche et puis ce terrible accident d'autobus en 1925 à 18 ans où une rampe de bus te transperce : fractures de la colonne vertébrale, du col du fémur, des côtes, de la jambe gauche, du pied droit, de l'os pelvien, rein endommagé, abdomen transpercé jusqu'au vagin ... inventaire fou et dantesque de tes blessures ! et pourtant tu eus le courage de tout surmonter avec un humour que l'on disait noir; alitée le corps emprisonné, ton ciel de lit-miroir, tu commenças à te peindre, 56 fois, ton premier autoportrait est idyllique, romantique, la Frida qui est morte à jamais disparue.
La réalité est plus dure, l'image plus dure, virile pour oublier la blessure faite à ta féminité.. Cette photo prise par son photographe de père date de 1926. Bien sûr tu connais de réputation Diego, bien sûr cet homme étonnant de vie, cet artiste célèbre, te plaît, bien sûr ta causticité spontanée et fraîche lui plaît aussi, vos deux talents pour la peinture, votre goût pour la révolution et votre pays feront le reste. Il y aura par la suite tes amours avec d'autres hommes brillants, Trotski, Breton, et d'autres que l'on te prête à tort ou à raison, et peu importe, il y aura tes désirs avortés d'enfant,
il y aura des chiens, des singes, des perroquets, des chats, petits compagnons qui rempliront ta solitude, il y aura des tromperies plus cruelles de ton Diego que d'autres et seule tu le fus souvent comme le sont les êtres qui souffrent physiquement et moralement.
Tu seras opérée moults fois, tu porteras un corset, tu te déplaceras en fauteuil roulant, et même en lit, tu meurs jeune à l'âge de 47 ans en 1954. Les douleurs à manier le pinceau te restreignent le geste, te broient le dos et expliquent sans doute que tu ne te sois pas lancée dans de grandes toiles.
Et puis il y a les petites surprises où tu es différente, ce Masque où tu pleures
toi qui d'habitude te peins droite, fière et impassible, ce petit poussin délicat et sobre si solitaire dans ta peinture extravertie et colorée.
ce cercle de 1950, où tu n'es qu'un corps de femme, aux seins, au sexe offert, amputé et sans tête, libre de ne plus souffrir ni dans ton corps ni dans ta tête, une femme tronc belle, une gourmandise offerte, quelle femme-volcan tu aurais été sans tes blessures !! (oui c'est mon interprétation très personnelle), petite
peinture sombre, peinte sur aluminium. Nul doute que ton dramatique destin a déterminé ta peinture, limité ta vie, nul doute que tu aurais évolué autrement si seulement si ...
Celui là, je l'aime bien aussi, un petit foetus, quelques larmes et le soleil quand même.
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