Dames, je vous côtoie, sans vous voir, depuis longtemps, Dames kangourous, Dames cloches, Dames menues et légères à porter, Dames de noyer ou de chêne, plus rarement Dames recouvertes de métal, Dames à l'enfant assises pour l'éternité, Dames reliquaires, Dames portées en processions, Dames vénérées, Dames idoles, Dames en majesté je vais aller à votre rencontre. J'en ai le temps, maintenant et l'envie. Et ce n'est pas tant votre image qui me fascine que la vénération que vous suscitez depuis des siècles, et de cela, j'en suis ébaudie.
L'an mil voit le triomphe du culte marial; Marie qui sert d'intermédiaire entre Dieu, Jésus et les humains, Marie récupérée aussi au X ième siècle par les évèques, les moines pour consolider leur puissance face à la puissance seigneuriale. L'église s'émancipe, construit des églises, les décore de riches fresques qui enseignent aux fidèles illettrés, l'histoire des évangiles pour leur montrer le chemin du Paradis, ou de l'enfer. Les statues de la Vierge ont le même rôle. A chaque église, sa Dame. Il existe un modèle type de Dame, où le visage est inexpressif, le regard lointain, le corps caché sous une robe manteau, tout est conçu pour faire oublier la condition féminine de Marie, elle porte sur ses genoux le fils de Dieu qui la sacralise, mais de ce modèle type, chaque artisan fera de chaque Dame, une Dame différente, et la restauration obligée de ces Dames fera le reste. Dames, vous êtes, chacune, singulière.
En Auvergne, les deux premières Dames renommées naissent, pour l'une en 946 à Clermont commandée par l'évèque Etienne II et pour l'autre au Puy. L'une sera fondue en 1792, l'autre sera brûlée en 1794.
On dit que celle de Clermont ressemblait à Sainte Foy de Conques, une ostentatoire, taillée dans du bois d'if , avec une tête en or, qui devait appartenir à un buste antique d'empereur ou de dieu, qui date du IV-V siècle. L'âme de bois, entendez le corps et le siège, furent revêtues de feuilles d'or au IX siècle. Des plaques d'argent doré, des bandes de feuilles d'or où pierres précieuses abondent datent du X ième siècle.
Statue reliquaire, elle abrite un peu de boîte crânienne de la jeune martyrisée au III siècle. Restaurée plusieurs fois, son manque criant de beauté plastique s'efface devant sa rutilante splendeur où scintillent émeraudes, perles, saphirs, améthystes, agates, grenats, cornaline, nicolo, émaux. Un beau présentoir à bijoux en somme.
D'aucuns estiment que puisque c'est à ses miracles que Dame Foy doit ses pierreries ( Les Dames féodales, les seigneurs lui offrirent de l'or en remerciement), cela n'est que témoignage d'une foi vive, et que loin de s'indigner de cette richesse étalée, il faut s'en réjouir, comme une preuve de la réalité des miracles faits par Sainte Foy.
Celle du Puy était une mystérieuse, plus sobre, évoquée par Raymond IV de Toulouse, lors de son départ en croisade en 1096, d'autres auteurs racontent qu'elle fut rapportée par Saint Louis en 1254 .. elle était en cèdre, visage noir et mains blanches, son origine reste mystérieuse, on la dit ancienne statue d'Isis, on la dit éthiopienne ... le visage est long, le nez aussi, la bouche petite, les yeux perçants, le mystère demeure !
Philippe Kaeppelin 1918-2011, peintre, graveur, sculpteur, d'origine alsacienne et natif du Puy est connu pour son travail dans l'art sacré, pour son bestiaire, aussi; Il a sculpté une copie, d'après une gravure de Veyrenc de 1778, de Dame du Puy qui veille aujourd'hui, fort discrètement, dans la chapelle du Saint Sacrement sur ceux pour qui prier, signifie quelque chose.
Et moi, j'ai un faible, bien sûr pour celle là, que l'on ne peut au final qu'imaginer, semblable à cette copie de Kaeppelin, ou autre, qu'importe, mais dépouillée de toute autre parure, que celle de bois.
Dames à suivre ...