Le musée de Vulaines sur Seine, ancienne maison occupée par Mallarmé offre jusqu'en Juin 2012 une exposition autour des femmes, des amis, des relations de ce dernier. J'y ai retrouvé avec un certain plaisir des noms déjà cités dans ce blog, et petit à petit le puzzle de l'élite intellectuelle du milieu du 19ème jusqu'au début 20 ème se reconstitue, milieu finalement assez restreint où peintres, littéraires, musiciens que je n'évoque pas souvent, par méconnaissance, se mêlent.
Orphelin, j'errais en noir et l'oeil vacant de famille (Réminiscence). Stéphane Mallarmé est né en 1842, sa soeur Marie en 1844. Leur mère meurt 3 ans plus tard. Leur père se remarie rapidement. Et Mallarmé a la douleur de perdre Marie âgée de 12 ans. Depuis que Marie m'a quitté pour aller dans une autre étoile .... j'ai toujours chéri la solitude. (Plainte d'automne). Mallarmé professeur d'anglais épouse en 1863 Maria fragile jeune femme qui ne se remettra pas de la mort, encore une, de leur fils Anatole à l'âge de 8 ans. Leur fille Geneviève veillera sur elle et sera proche de son père.
Mallarmé, il faut reconnaître que pour te lire, on a besoin d'un décodeur. Tu es carrément hermétique, parfois, souvent; certes tu estimes, à tort je trouve, que la poésie est réservée à une élite initiée, tu écris dans L'artiste ' Toute chose sacrée et qui veut demeurer sacrée s'enveloppe de mystère ... l'art a les siens ... Les premiers venus entrent de plain-pied dans un chef- d'oeuvre, et, depuis qu'il y a des poètes, il n'a pas été inventé, pour l'écartement des importuns, une langue immaculée, des formules hiératiques dont l'étude aride aveugle le profane ... et de fait, Mallarmé, tu t'y tiendras à cette idée fixe de vouloir écarter le profane, le non initié, le courant, presque tout le monde quoi !!! de quoi enorgueillir les intellectuels qui se pencheront sur toi et tu as raison, il y en aura de rares ... il faut reconnaître Mallarmé que pour compenser, ou pour donner le change ou par pur plaisir, tu fus un être sociable, tu aimas les femmes, tu adoras briller en salon avec l'élite artiste et intellectuelle de l'époque.
Mallarmé poursuit sa carrière littéraire en même temps qu'un professorat d'anglais avec beaucoup de doutes et de découragement. Il se lie d'amitié avec les félibres (Mistral), avec Leconte de Lisle, Cazalis, Coppée, Mendès, Manet, qui lui fera rencontrer Berthe Morisot, Degas, Renoir, Monet, Redon, les Natanson et bien d'autres encore, ce serait fastidieux de les énumérer tous. Mallarmé devait avoir un sens particulier de l'amitié qui lui a attaché de sincères relations avec l'élite intellectuelle toute confondue de l'époque. L'exposition nous montre des dessins, des pastels, des peintures, des gravures aux signatures prestigieuses aujourd'hui comme Manet, Morisot, Redon, Bonnard, Redon, Blanche etc .... Petit topo sur la vie de Mallarmé, les dates principales de sa vie, quelques écrits, correspondances, Monsieur Mallarmé avait un certain charme, un esprit brillant en société, une poésie pas aisée à aimer. Mallarmé portait en lui un tourment, inné, acquis ??? il avait une insatisfaction permanente en lui, que rien n'a vraiment comblé, même pas son art. Sur ce, il a bien vécu cet homme là, dans l'illusion, sans illusion ! Il publie 8 numéros d'un périodique assez étonnant 'La Dernière Mode', prétexte littéraire où s'affine son style dixit ses partisans, ou bien frivolité mystérieuse mais séductrice et nécessaire pour accepter, le reste, l'indicible, l'inaccessible réussite : Hérodiade restera un immense projet qui ne se finalisera pas, conçue pour être une tragédie théâtrale, Mallarmé en fera un poème ... inachevé. Hérodiade c'est en fait Salomé, la fille d'Hérodiade que Mallarmé célèbre, celle qui danse, celle qui demanda inconséquemment la tête de Jean Baptiste pour la donner à sa mère Hérodiade ( car Jean Baptiste ne reconnaissait pas son second mariage). Salomé qui représente la femme , femme fatale et perverse connaîtra un succès fou avec ce 19ème siècle fort misogyne.
Jeanne Jacquemin (1863-1938) relation amicale, se représenta en Salomé ( Saint Augustin la fait mourir décapitée par les glaces d'un lac gelé).
Et l'on retrouve cette coquine de Méry Laurent née Anne Rose Louviot, modèle et amante de Manet, Gervex, Blanche, Nadar et d'autres encore ... muse et amante de Coppée, Mallarmé et d'autres encore. Méry était volage et fidèle à la fois, l'amour chez elle devint toujours amitié, on l'aima pour cela, pour son humour, sa culture, sa générosité, sa tendre amitié. Elle compta beaucoup pour Mallarmé et réciproquement.
Tu es une compagne unique ...Tu es plus neuve, et je crois que c'est cela rester jeune, non pas seulement de ta grande personne très belle; mais en idée. Lettre de Mallarmé à Méry Août 1891.
Mallarmé cultiva l'amitié féminine, avec Berthe Morisot qui en fit le tuteur de sa fille. Avec Renoir il s'occupera donc de Julie Manet et de ses 2 cousines orphelines, elles viendront chez Mallarmé passer des vacances. Marie Cassatt illustrera un de ses poèmes. Nina de Callias la dame aux éventails de Manet est une amie de jeunesse, Mallarmé fréquentera son salon. Augusta Holmès pianiste amie de Litz composera elle même un opéra. Misia Natanson muse des Nabis excellente pianiste s'installera avec son premier mari Thadée Natanson à Vulaines à côté de Mallarmé, Misia agrandira le cercle des relations de Mallarmé, avec Bonnard, Denis, Vuillard, Toulouse-Lautrec ....
Un jardin, une promenade le long de la Seine agrémentent cette visite et pour les gourmets un restaurant dont les menus sont sympathiques, où il faut sans doute réserver, comptez quand même 30 à 60 euros par personne.