Les vanités
Vain, du latin vanus qui signifie vide. Vaine la fragilité des biens terrestres avec une mort inéluctable. Quelles sont les solutions pour ne pas tomber dans une vaine dépression ? soit adopter une philosophie épicurienne ou stoïque telle les intellectuels grecs avec le Carpe Diem d'Horace : incitation à profiter des plaisirs simples de la vie avec modération, au jour le jour.(Le célèbre Vanité des vanités, tout est vanité daterait, lui, du III siècle avant Jésus Christ et est tiré d'un livre L'écclesiaste qui fait partie de la Bible hébraïque et qui très grosso modo donne le même message). Soit se retourner vers le christianisme qui offre une espérance en une vie éternelle. Les premières vanités sont des natures mortes qui datent du II et III siècles avant JC et qui ont disparu, ne subsistent que des fresques murales retrouvées à Pompei, Herculanum ou autres fouilles. Les mosaïques dites au sol non balayé (asaroton)
sont les premières natures mortes en décomposition, prémices des futures vanités qui illustreront la finitude humaine. Durant 1000 ans, l'objet n'est qu'accessoire dans une scène toujours religieuse et la nature ne réapparaît qu'avec la Renaissance italienne, notamment avec Giotto. La mort omni-présente par les épidémies, les guerres est prise en main si j'ose dire par l'église qui propose aux pêcheurs de sauver leur âme, la mort est alors représentée par un squelette,
les Danses Macabres à l'honneur montrent l'égalité sociale de la mort, on en arrive même à représenter la décomposition du squelette avec les Transis.
Les jésuites brandissent des têtes de mort, pour maintenir les âmes dans la peur de la mort, version moderne du Memento Mori (Souviens toi que tu vas mourir) qu'un esclave susurrait parait-il à l'oreille des généraux romains triomphants, ce qui avait moins d'effets que le christianisme nettement plus virulent dans ses actes. A partir du XVI le crâne prend le pas sur le squelette. Le Golgotha (cité dans les évangiles, à l'emplacement demeuré inconnu) dont le nom signifie crâne était une colline située à l'extérieur de Jérusalem, colline où les romains crucifiaient leurs condamnés, où fut crucifié aussi Jésus. La tradition religieuse veut que l'on aurait aussi retrouvé en ce lieu le crâne d'Adam, ce qui explique que l'on retrouve des crânes d'Adam dans les toiles de crucifixion au pied de la croix.
Le crâne devient un must au XVII dans toutes les vanités qui fleurissent alors en Hollande et qui s'étendront ensuite en Europe. A ce crâne s'ajoutent des objets, des fruits, des fleurs à la symbolique forte comme le sablier, la bougie, la bulle de savon, les pierres qui se lézardent, objets symboles du temps qui passe, symboles de la fragilité de la vie, d'autres comme la pivoine symbolise la prospérité, la tulipe fleur hollandaise qui connaît un vif engouement au 17è est signe de richesse vaine, les livres sont vanité du savoir, la pipe, le vin représentent les plaisirs futiles, le miroir (qui peut se casser facilement comme le fil de la vie) où l'artiste contemple son reflet vieilli, etc
Et symbole suprême de la putréfaction, la mouche apparaît dans les vanités comme un mémento mori, elle peut aussi être servir de faire-valoir du talent de l'artiste, autre vanité plus subtile !
Elle peut aussi symboliser la Passion du Christ comme dans le tableau de Crivelli.
Les vanités disparaissent du XVIII siècle pour ré-apparaître à la fin du XIX jusqu'à nos jours. Mais elles ont perdu leur sens premier strictement religieux et moral. L'angoisse de vieillir a supplanté celle de mourir, une nouvelle angoisse collective face aux catastrophes naturelles, au terrorisme, aux crises financières et politiques nous ramène d'une autre façon à notre humble condition humaine et peut être nous protégeons-nous de nos peurs en nous riant de la mort en la portant comme colifichet (boucle d'oeille, tête de mort sur t-shirt etc ..) en essayant de l'apprivoiser cette mort à travers l'art contemporain qui re-visite d'une manière provocante, humoristique, les vanités du XVII siècle. Un message entier pourrait y être consacré d'ailleurs.