Egon Schiele 1890-1918
Bien sûr, il y a du clown triste chez Egon Schiele, né à une époque de fin de siècle toujours un peu décadente, né dans une famille où un père dépressif puis carrément dément meurt à l'adolescence d'Egon ce qui peut contribuer à exacerber un sens déjà aigu du mal de vivre chez ce tout jeune homme qui fut un admirateur de Klimt, qui s'en inspira mollement
et qui réussit pourtant en une courte carrière à se donner un style bien à lui.
Voilà Klimt en photographie, voilà la vision toute Schielienne qu'en a son jeune confrère.
Voilà il faut le savoir, Egon Schiele n'est pas là pour faire du beau comme Klimt, lui est là pour déformer la réalité et au contraire de Klimt qui idéalise, lui Schiele a choisi presque systématiquement de diaboliser tout, une façon de se démarquer, une tendance à voir tout en noir, un penchant pour le morbide ou le glauque, ou tout simplement une façon d'être dans un monde où l'on se sent un peu étranger. Le dessin est primordial chez Schiele et le rouge est là pour mettre en valeur ce que les autres cachent : les bouches, les seins, le sexe.
Il y a du souffre chez Schiele : ses dessins érotiques font jaser, de jeunes enfants, de jeunes modèles tous très sexués. Il dénonce aussi l'église et ses pratiques parfois fort contestables. Il se glisse assez facilement dans la peau du provocateur. Il met en scène la masturbation fort combattue en ce début de siècle tout comme Klimt d'ailleurs, mais là où les formes sont pleines, les visages apaisés chez Klimt, chez Schiele les corps sont suppliciés, les regards interpellants : invites déguisées des modèles ou addiction du peintre aux dits modèles, ou bien les deux peut être. Les défenseurs de Schiele analysent la similitude des jeunes corps représentés de façon androgyne avec ses auto-portraits nus où un narcissisme complaisant ou moqueur aguiche les regardeurs, signifiant ainsi que ses nus féminins seraient les doubles d'un Schiele fort attiré par le sexe. Possible et qu'importe maintenant. Se démarqueront de ses modèles d'abord sa soeur bien aimée Gerti, puis Wally Neuzil 17 ans jeune modèle qui vivra avec lui 3 ans, une belle fille qui lui fera aimer l'amour, il la représente fort esthétiquement et puis celle qu'il épousera une jeune vierge avec laquelle il voulait faire un mariage avantageux socialement Edith qui lui fera peindre des tableaux à la Carl Larsson. Il retrouve son style un peu caustique avec ce couple assis où Edith s'accroche comme elle peut à son mari un peu grimaçant.
A noter que le dernier tableau de Schiele, intitulé La Famille devait se nommer Couple accroupi et ne comportait pas d'enfant, la femme n'est pas Edith et l'enfant fut rajouté lorsque Schiele apprit la grossesse de son épouse.
A noter aussi les formes pleines de la femme, Schiele a abandonné son style émacié et sans doute plus serein porte un autre regard sur les femmes, la tristesse est toujours au rendez vous mais apaisée ou résignée. Une grippe espagnole emportera d'abord Edith enceinte et quelques jours plus tard Egon Schiele, il avait 28 ans. Pas vraiment de chance ce Schiele au fond, mais restent ses peintures qui sont de celles qu'on ne confond pas, qu'on n'oublie pas.